Pour le Gériatre

Dépister, diagnostiquer et prendre en charge les amylose cardiaques

Insuffisance cardiaque et amylose 
L’insuffisance cardiaque (IC) est le premier motif d’hospitalisation en Unité de Gériatrie Aiguë. Les Gériatres sont donc en première ligne avec les cardiologues dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque du sujet âgé. l’IC à Fraction d’éjection préservée est la forme la plus fréquente dans cette population.
Parmi ces patients 15 à 20 % ont peut-être une AMYLOSE CARDIAQUE (AC). 
Les amyloses cardiaques (AC) sont sous-diagnostiquées. Il s’agit de maladies systémiques caractérisées par l’accumulation de protéines sous forme de « fibrilles amyloïdes » dans différents organes tels que le cœur, le rein, le foie, le système gastro-intestinal et nerveux, provoquant ainsi l’altération structurelle et la dysfonction des organes atteints.
Les principaux types d’AC atteignant le cœur du sujet âgé sont :
    – l’amylose à Transthyrétine (ATTR) sauvage aussi appelée «sénile» (ATTRwt pour wild-type)
    – l’amylose à Transthyrétine (ATTR) « héréditaire » aussi appelée «mutée» (ATTRv pour varient)
    – l’ amylose AL (maladie hématologique)
Figure : Cardiomyopathie hypertrophique
Le diagnostic : quand y penser ? 
Les signes cliniques dépendent des organes touchés.
Manifestations cardiaques :
    – Insuffisance cardiaque à FEVG préservée avec Hypertrophie Ventriculaire Gauche concentrique retrouvée à l’ETT
    – Résistance aux traitements habituels de l’IC, avec poussées itératives
    – Microvoltage paradoxal à l’ECG
Manifestations ostéo articulaires :
    – Syndrome du canal carpien++
    – Syndrome du Dupuytren
    – Syndrome du canal lombaire étroit
    – Rupture du tendon de l’épaule et/ou biceps
    – Lésions unguéales
Manifestations neurosensorielles :
     – Neuropathie des extrémités
     – Macroglossie
     – Dysautonomie (diarrhées, vomissements)
     – Hypotension orthostatique
Figure : Atteintes cardiaques et extracardiaques
Amylose et fragilité
Les conséquences des AC pour les patients âgés:
    – Autonomie : 69% des patients en perte d’indépendance fonctionnelle
    – Neuro-Cognitives : Syndrome dysexécutif (72%)
    – Thymiques : Syndrome dépressif (49%)
    – Motrices : Faiblesse musculaire (74%), Troubles de la marche et de l’équilibre (58%), sédentarité (47%), risque de chute (42%) et sarcopénie
    – Nutritionnelles : Anorexie, amaigrissement (31%), malnutrition (39%)
    – Troubles vésico sphynctériens : Incontinence urinaire par Hyperactivité vésicale
    – Asthénie (61%)
 
Les tests utilisés pour l’évaluation globale et le dépistage de la fragilité dans le cadre de l’Amylose Cardiaque :
    – Le score Short Emergency Geriatric Assessment (SEGA) pour le dépistage de la fragilité (non fragile: score ≤ 8; fragile et très fragile: score> 8)
    – Les échelles ADL et IADL pour évaluer l’autonomie:
    – Un bilan de débrouillage cognitif avec notamment Mini-Mental State Examination (MMSE) et une évaluation des fonctions exécutive (BREF et Horloge)
    – Evaluation de la dépression avec l’échelle Geriatric Depression Scale ( GDS ou mini-GDS ).
    – Evaluation de la performance physique, de l’équilibre et de la force musculaire par le Short Physical Performance Battery (SPPB
    – Le Mini Nutritional Assessment (MNA) pour évaluer l’état nutritionnel
    – Evaluation des fonctions Vésico Sphynctériennes par l’Urinary Symptom Profile (USP)
Bilan de l’amylose
Les examens à demander en 1ère intention devant une suspicion d’amylose cardiaque :
Le  bilan biologique :
    – Biomarqueurs : NT-proBNP et troponine ultrasensible
    – EPP, Immunofixation et dosage des Chaines légères libres,
    – Recherche de protéinurie de Bence Jones
    – Bilan hépatique et rénal.
ECG : Microvoltage, Troubles conductifs, Fibrillation auriculaire ou Flutter.
Echocardiographie : examen central pour évoquer le diagnostic
    – Hypertrophie ventriculaire gauche circonférentielle,
    – Altération typique du strain (altéré à la base du VG, préservé à l’apex du VG)
    – Insuffisance cardiaque à FEVG préservée
Le bilan pourra être complété en milieu spécialisé par :
Une scintigraphie osseuse aux biphosphonates, une IRM cardiaque, et éventuellement la réalisation d’une biopsie permettant de confirmer histologiquement l’Amylose.
Il faut ensuite faire une analyse génétique pour différencier les formes d’amylose TTR (intérêt du dépistage familial).
Le diagnostic de l’amylose cardiaque repose donc sur des examens non invasifs et le recours à un centre expert dans  l’amylose cardiaque.
Prise en charge
Elle se fait en collaboration avec les services de référence des maladies rares spécialisés dans l’amylose.
Arrêt des BB, adaptation des doses des inhibiteurs du SRAA et, en fonction du type, du stade de la maladie et du pronostic, proposition d’ un traitement spécifique :
    – Amylose TTR : le TAFAMIDIS est actuellement utilisé pour stabiliser la transthyrétine pathologique et ainsi empêcher son dépôt (traitement bien toléré, en prise orale)
Ce traitement ne permet pas d’éliminer les dépôts déjà constitués d’où l’intérêt de poser un diagnostic précocement.
    – Amylose AL : un programme de Chimiothérapie adapté
 
Une évaluation gériatrique avec dépistage de la fragilité permet d’argumenter la prise en charge et d’apporter une aide dans la décision thérapeutique (pour le Tafamidis: l’amélioration clinique n’est observée qu’au delà de 18 mois de traitement).
 
Le triple rôle du gériatre dans la prise en charge de l’amylose cardiaque du sujet âgé :
1 :   Dépister et Diagnostiquer
2 :   Orienter vers le centre de référence
3 :   Évaluer la fragilité des patients pour    optimiser leur prise en charge