Pour l’Anatomopathologiste

L’ABC de l’analyse anatomopathologique de l’amylose

Ce que le pathologiste doit savoir

Quel tissu et pourquoi l’analyser ? 
La biopsie permet :
1) d’affirmer le diagnostic d’amylose, et 2) de typer l’amylose c’est-à-dire de déterminer la nature de la protéine amyloïde déposée. Ce typage est en effet indispensable pour une prise en charge thérapeutique spécifique, adaptée au type d’amylose.
Devant une suspicion d’amylose cardiaque, différents tissus peuvent être analysés. Leur rentabilité est variable selon le type d’amylose.
 
BIOPSIE DES GLANDES SALIVAIRES (BGSA) : La BGSA, simple à réaliser, est positive dans 50% des amyloses AL et dans 30% des amyloses ATTR. Les dépôts peuvent être intra-lobulaires ou extra-lobulaires, interstitiels ou vasculaires ; en cas d’amylose AL, les dépôts peuvent être situés préférentiellement dans le tissu adipeux ou le tissu musculaire.
En l’absence de dépôt sur la BGSA, la biopsie d’un organe cible sera envisagée.
BIOPSIE ENDOMYOCARDIQUE : réalisée par voie endovasculaire par un opérateur expérimenté, elle présente une excellente rentabilité, proche de 100%. Elle est réalisée en ventricule droit en première intention. Les dépôts peuvent être de topographie interstitielle (nodulaires ou péri-myocytaires) et/ou vasculaires.
 
AUTRES SITES SÉLECTIFS POUR DÉTECTER L’AMYLOSE :
    – Ligament transverse du carpe en cas de chirurgie du canal carpien pour l’amylose ATTR
    – Biopsie rénale, biopsie digestive et biopsie hépatique pour l’amylose AL.
Comment techniquer le tissu en routine
ll est souhaitable de disposer d’un prélèvement fixé en formol pour l’étude immunohistochimique, et d’un prélèvement congelé (adressé à l’état frais dans une compresse imbibée de sérum physiologique) pour l’étude en immunofluorescence.
AFFIRMER L’AMYLOSE : COLORATION(S) SPÉCIALE(S) :
Les dépôts sont extracellulaires, amorphes, anhistes, acellulaires et éosinophiles en coloration standard (HE). La conformation en feuillets plissés leur confère des propriétés tinctoriales particulières : ils sont colorés en rouge par le rouge Congo (RC) en lumière blanche, et présentent une biréfringence jaune/vert en lumière polarisée. Le RC peut être réalisé sur tissu fixé ou congelé. La coloration du rouge Sirius amylose est une excellente alternative qui colore les dépôts en fuchsia. Les dépôts sont parfois très fins ; la mise au point des colorations spéciales doit donc être optimale et l’analyse sur niveaux de coupe multiples est parfois nécessaire.

 

 

 

BGSA et biopsie cardiaque - dépôts interstitiels d’amylose coloration RC (x200)
TYPER L’AMYLOSE : ÉTUDE IMMUNOISTOCHIMIQUE (IHC) ET IMMUNOFLUORESCENCE (IF) 
IHC : Le panel standard associe les anticorps (AC) dirigés contre les principales amyloses c’est à dire la transthyrétine (TTR), les chaînes légères kappa et lambda et la protéine SAA. L’interprétation n’est pas toujours aisée avec en particulier, un bruit de fond diffus avec les AC anti-chaînes légères et un accrochage non spécifique des dépôts avec l’AC anti-TTR.
IF : Les chaînes légères kappa et lambda sont détectées de manière beaucoup plus fiable en IF. Les faux négatifs sont possibles.
BGSA : dépôts d’amylose (coloration RC) positifs pour l’AC anti-transthyrétine (x200).
Autres techniques
Le recours à des techniques plus spécialisées est parfois nécessaire. Seuls quelques centres en France réalisent ces techniques.
SPECTROMÉTRIE DE MASSE : En cas de typage par IHC/IF non concluant, on peut avoir recours à une analyse par spectrométrie de masse après microdissection laser. Cette technique est réalisée à partir du bloc de paraffine. Contrairement à l’IHC/IF, elle permet en un seul test de rechercher toutes les protéines amylogènes : TTR, chaînes légères, SAA et d’autres beaucoup plus rares comme les apolipoprotéines. Le succès de typage est excellent, supérieur à 95% pour les BGSA et proche de 100% pour les biopsies endomyocardiques.
MICROSCOPIE ÉLECTRONIQUE : Elle permet de confirmer la nature amyloïde des dépôts en montrant des fibrilles de 8 à 10 nm de diamètre. Elle requiert une fixation en glutaraldéhyde dès la réalisation du prélèvement. Outre la détection des dépôts, un typage par immunogold est possible.
Biopsie : Comment et pourquoi ?
La prise en charge thérapeutique spécifique n’est possible qu’en cas de typage de l’amylose.
Les amyloses à transthyrétine (ATTR) et à chaînes légères (AL) représentent >90% des amyloses cardiaques. Les amyloses ATTR sont les plus fréquentes. 
AMYLOSE TTR :
L’atteinte est principalement cardiaque en cas d’amylose « sénile » (ATTR-wt), neurologique et cardiaque en cas d’amylose ATTR mutée (ATTR-v).  Sur le plan anatomo-pathologique, il n’est pas possible de différencier ces 2 sous-types d’amylose ATTR. Seule la recherche d’une mutation du gène de la TTR permettra d’affirmer le diagnostic d’ATTR-v, avec déclenchement d’un conseil génétique (pénétrance variable et incomplète). Les traitements stabiliseurs de tétramères empêchent la dissociation sous forme de monomères, étape première de la formation des dépôts d’ATTR. Le Tafamidis  a prouvé son efficacité pour améliorer la survie dans les atteintes cardiaques.
AMYLOSE AL :
Les amyloses AL sont liées à une prolifération monoclonale B, gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) ou myélome (le plus souvent indolent), ou éventuel lymphome B à petites cellules (dont lymphome lympho-plasmocytaire/maladie de Waldenström IgM). Les dépôts peuvent se déposer dans de nombreux organes, le cœur et le rein sont les plus fréquemment touchés (près de 50% des cas), puis le foie (16%), ou bien encore le tube digestif (10%). La classification de la Mayo Clinic est basée sur les dosages de NT-proBNP (seuil de 332 ng/mL) et troponine (seuil de 0,035 ng/mL). Il s’agit d’un indicateur de sévérité de l’atteinte cardiaque initiale. Il définit 3 stades (I à III) selon l’élévation d’aucun, 1 ou 2 biomarqueurs. Les survies médianes sont de 26,4 mois pour le stade I, 10,5 mois pour le stade II et de 3,5 mois pour le stade III. Le diagnostic d’amylose cardiaque AL est donc relativement urgent à porter. La prise en charge est discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire rassemblant hématologues et cardiologues.