Le point sur les amyloses

Les amyloses cardiaques

Les amyloses cardiaques
L’amylose est la manifestation de plusieurs maladies systémiques (article Mohty D et al ACVD).
La caractéristique commune de ces maladies est une accumulation extracellulaire de protéines fibrillaires insolubles qui se déposent et envahissent progressivement les tissus empêchant leur bon fonctionnement. L’infiltration amyloïde cardiaque est responsable d’un épaississement du myocarde créant une « hypertrophie ».
Cette infiltration se complique d’insuffisance cardiaque et de trouble de la conduction. Tout ceci explique pourquoi le cardiologue est en première position pour faire le diagnostic de cardiopathie amyloïde. Malheureusement ce diagnostic est souvent évoqué tardivement après un diagnostic initial « d’insuffisance cardiaque à Fraction d’Éjection Ventriculaire Gauche (FEVG) préservée » ou de « cardiopathie hypertensive ».
Afin d’améliorer l’orientation diagnostique devant une cardiomyopathie et de dépasser ces simples diagnostics, la Société Européenne de Cardiologie (ESC) a récemment revu la définition et la classification des cardiomyopathies.
Les cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) sont définies désormais par un simple épaississement du myocarde regroupant ainsi sous le terme CMH des processus physiopathologiques très différents allant d’une hypertrophie des cardiomyocytes observée dans les CMH sarcomériques (mutation troponine, myosine…) à l’infiltration du myocarde.
 
 
Quand penser à l’amylose?
Devant toute CMH (Elliot P,Eur Heart J 2008; Classification of cardiomyopathies; position statement ESC).
Devant une Insuffisance Cardiaque à FEVG préservée
Devant une Insuffisance Cardiaque à FEVG altérée avec hypertrophie myocardique
Devant toute hypertrophie myocardique symptomatique
Devant Hypertrophie Ventriculaire Gauche (HVG) avec BSA3 ou BAV2-3 ou FA ou flutter
Devant un Rétrécissement de la Valve Aortique avec Hypertrophie Ventriculaire Gauche ou bas débit, bas gradient
 
Pourquoi dépister l’amylose?
Pronostic sévère à court terme en l’absence de traitement
Des traitements spécifiques
Une prise en charge cardiologique différente par rapport à une insuffisance cardiaque classique
 
Pourquoi un centre de référence ?
Intérêt d’une prise en charge multidisciplinaire spécialisée
Accès rapide aux soins , tous présents sur un même site
Classification des amyloses
La classification des amyloses repose sur la nature biochimique de la protéine amyloïde impliquée dans la formation des dépôts. Une vingtaine de protéines peuvent former des fibrilles amyloïdes (Fibrinogène, apo A1…). Les formes cardiaques les plus fréquentes sont les amyloses AL (immunoglobuliniques) et les amyloses à transthyrétine (TTR) : héréditaire (TTR mutée) ou sénile (TTR sauvage).
Type d’amylose
Amylose AL
Amylose à transthyrétine
Amylose AA
 
 
 Héréditaire
Sénile
 
 Dépots
Chaînes légères d’Ig(Kappa ou Lambda)
Transthyrétine mutée
Transthyrétine sauvage
Protéine inflammatoire
 Source
Moelle osseuse
Foie
Foie
Protéine inflammatoire
Organes atteints
Coeur, rein, foie, système nerveux
Système nerveux périphérique, coeur
Coeur
Rein, Foie
  Sources, type de dépôts et organes atteintes dans les quatres types principaux d’amylose
Les amyloses AL
Les amyloses AL sont liées principalement aux gammapathies monoclonales (MGUS) ou au myélome. Les gammapathies monoclonales sont très fréquentes et touchent environ 10% des patients de 60 ans. Ces gammapathies se compliquent heureusement rarement d’amylose mais représentent plus de 60% des cardiopathies amyloïdes.
Les amyloses à transthyrétine
La transthyrétine (TTR) est une protéine synthétisée par le foie sous forme de monomère. Ces monomères s’assemblent en tétramères qui transportent des protéines (ex : hormone thyroïdienne, vitamine D) dans le sang. Les amyloses TTR sont de deux types :
1/ Amylose à transthyrétine dite « sénile » ou « sauvage » où le précurseur est la transthyrétine non-mutée (ATTRwt) survenant quasi-exclusivement chez des hommes âgés. (article Damy T et al, Senile systemic amyloidosis). Les mécanismes de cette amylose ne sont pas connus.
2/ Amylose à transthyrétine héréditaire, la forme familiale où la transthyrétine est mutée (ATTRm) (article Mohty D et al, cardiac amyloidosis).
La transmission est autosomique dominante. Plus de 120 mutations pathogènes du gène codant pour la TTR ont été identifiées. Les dépôts tissulaires comportent également de la transthyrétine non mutée. Bien qu’héréditaire, on ne retrouve des antécédents familiaux que dans 50% des cas. L’atteinte tissulaire est variable suivant la mutation.
La mutation ATTR Val122Ile est la plus fréquente. Cette mutation est présente chez 3,9% des patients d’origine africaine (article Jacobson DR et al, variant-sequence transthyretinin late-onset cardiac amyloidosis in black Americans). La pénétrance de ces mutations est variable suivant le fond génétique et la mutation. Les cas sporadiques se révèlent généralement tardivement, c.à.d. après 50-60 ans.  
La mutation ATTR Val30Met est fréquente chez les patients d’origine portugaise par une neuropathie à l’âge de 25 à 30 ans. Certaines mutations (Val122Ile, Ser77Tyr…) touchent principalement ou exclusivement le cœur. Ces cas d’amylose sont sous-estimés dans la population des patients cardiologiques.
Le diagnostic se fait sur l’analyse anatomopathologique qui retrouve des dépôts d’amylose avec un immunomarquage positif pour transthyrétine. Le test génétique réalisé par séquençage qui identifie la mutation du gène de la transthyrétine.

Orientation diagnostic

La figure ci-dessous décrit l’orientation diagnostic devant une hypertrophie ventriculaire. La recherche des signes cliniques, électrocardiographiques et des anomalies échocardiographiques systématique dans le cadre d’une CMH devrait permettre un diagnostic et une prise en charge plus rapide.