Les traitements des amyloses cardiaques à transthyrétine (TTR)

Les traitements de l'amylose

Traitement spécifique
 
Le traitement médical des amyloses à transthyrétine est en pleine évolution. Historiquement, le traitement des amyloses héréditaires repose depuis 10 ans sur la greffe hépatique qui doit être, en cas d’atteinte cardiaque importante, combinée avec une greffe cardiaque. Ceci n’est envisageable bien sûr que des sujets jeunes avec atteinte neurologique peu importante. De nouveaux traitements médicaux sont apparus et doivent démontrer leur efficacité pour traiter l’atteinte cardiaque. Un stabilisateur du tétramère de la transthyréine (tafamidis) a obtenu l’AMM européenne dans le cadre des amyloses TTR héréditaires et sauvages. Deux médicaments bloquant la production de transthyrétine (anti-sens et oligonucléotides) sont également en phase d’essais cliniques dans les amyloses cardiaques. 

Quel traitement spécifique dans les amyloses cardiaques

Thibaud DAMY

Le Tafamadis améliore la survie dans les amyloses cardiaques à tranthyrétine

Diane BODEZ

Le Tafamadis pour traiter les amyloses cardiaques à transthyrétine

Jean Christophe EICHER

Les traitements spécifiques des amyloses cardiaques à transthyrétine

Michel SLAMA & Diane BODEZ

Le thé vert ou l’EGCG dans l’amylose cardiaque

Bernard DO & Thibaud DAMY

La transplantation cardiaque
La transplantation cardiaque peut-être envisagé chez les patients de moins de 65 ans dans des équipes multidisciplinaires spécialisés et après une évaluation complète.
Physiopathologie des amyloses cardiaques à transthyrétine (TTR)
TRANSTHYRÉTINE : La transthyrétine (TTR), ou préalbumine, est une protéine homo-tétramérique de 127 acides aminées composée de 4 sous-unités, présente dans le plasma et le liquide céphalorachidien. Elle est essentiellement synthétisée par le foie. Elle a pour principale fonction le transport de l’hormone thyroïdienne T4 (thyroxine) et de la vitamine A (rétinol) d’où son nom TRANS-THY-RETINE.
 
FIBRILLO-FORMATION : L’amylose à TTR survient, lorsque la protéine homo-tétramérique, naturellement soluble, subit une dissociation en monomères de TTR qui vont favoriser leur agrégation en fibrilles amyloïde (sous forme de feuillets béta plissés). Il s’agit de la fibrillo-formation. Ces dernières sont des structures extrêmement stables et fines (7 à 10 nm de diamètre) qui vont infiltrer la matrice extracellulaire des organes, et préférentiellement le cœur, les nerfs et la synoviale des tendons et des articulations. La fibrillo-formation est un processus dynamique, et donc évolutif
Il existe deux causes à cette fibrillo-formation dans l’amylose à TTR (ATTR) :
   – La présence d’une anomalie génétique sur le gène TTR dans les formes héréditaires (ou mutées). Même si ces anomalies génétiques sont, par définition, présente des la naissance, l’âge d’apparition des premiers symptômes est tardif (avec une variation importante en fonction du type de variant génétique). Dans les formes cardiaques, l’âge ne permet pas de préjuger du caractère muté ou non. La réalisation d’un séquençage de TTR est donc indispensable.
   – Le vieillissement pathologique dans les formes sauvages (ou séniles) serait à l’origine d’une mauvaise dégradation de la TTR et donc de la formation des premières fibrilles amyloïdes. L’accroissement des dépôts s’effectuerait par adjonction de protéine native sur « un moule » préexistant de fibrilles.
Mode d’action du Tafamidis
Le Tafamidis (nom commercial : VYNDAQEL) est le seul traitement spécifique de l’amylose cardiaque à TTR (sauvage ou héréditaire) ayant prouvé son efficacité en terme de réduction de mortalité et d’amélioration de la qualité de vie à ce jour.
 
MODE D’ACTION : Il permet de stabiliser la transthyrétine sous sa forme homo-tétramérique soluble. Le Tafamidis se lie de manière spécifique et avec une haute affinité à la transthyrétine au niveau des sites de liaison de la thyroxine, ce qui stabilise le tétramère et ralentit la dissociation de la transthyrétine en monomères, empêchant ainsi la formation des dépôts amyloïdes « de novo ». Il n’a en revanche pas d’action de manière directe sur les dépôts amyloïdes déjà présents dans les différents tissus.
Il s’agit d’un médicament rapidement absorbé par voie orale, dès la 1ère dose.
La prise doit être préférentiellement effectuée en dehors des repas (notamment riche en matières grasses et en calories) qui ralenti la vitesse d’absorption du médicament. Le médicament doit être avalé entier, sans le croquer ni le couper. La demi-vie moyenne est de l’ordre de 49 heures.
Il n’y a pas d’ajustement de dose nécessaire chez les patients > 65 ans, ou dans l’insuffisance rénale ou hépatique.
Le traitement n’est pas recommandé pendant la grossesse.
Les effets du Tafamidis
SURVIE : En 2018, la publication de l’étude de phase 3 ATTR-ACT a montré l’efficacité et la tolérance du médicament chez 441 patients présentant une amylose cardiaque à TTR (muté ou sauvage) au stade NYHA I-II-III. L’analyse principale a montré une diminution significative de la mortalité toute cause de 30%, sans interaction sur le type de TTR  et la classe fonctionnelle NYHA dans les analyses en sous-groupes. Cette efficacité est apparente à partir de 15 mois de traitement.
RÉDUCTION DES HOSPITALISATIONS : l’étude ATTR-ACT a également montré une réduction significative du taux d’hospitalisation pour évènements cardiovasculaire de 32% comparé au placebo, quelque soit le type d’ATTR. L’efficacité du traitement est moins importante chez les patients NYHA III suggérant que ce traitement doit être initié le plus tôt possible dans l’évolution de la maladie.
AU-DELÀ DU COEUR : l’étude ATTR-ACT a également montré que le tafamidis ralentissait l’altération de la qualité de vie (KCCQ-OS), de la distance parcourue sur le test de marche de 6 minutes (avec des résultats dès la 1ère évaluation à 3 mois).
LES EFFETS SECONDAIRES : Dans l’étude ATTR-ACT, il n’y a pas eu de différence sur les effets secondaire entre le groupe Tafamidis (que ce soit à la dose de 20mg ou 80mg) et le groupe placebo. Les effets secondaires les plus fréquents rapportés sont des ballonnements abdominaux qui cèdent à l’usage en quelques jours ou semaines.
 
QU’ATTENDRE DU TRAITEMENT :
– L’amylose TTR est une maladie rapidement évolutive et létale (la médiane de survie est à 3 ans en l’absence de traitement).
– Le Tafamidis stabilise la cardiopathie.
– Il faut expliquer au patient qu’il ne va pas être « amélioré » par le traitement mais que la progression de la maladie va être ralentie ou arrêtée.
– Il faut également ne pas oublier la prise en charge non spécifique.
Les règles de prescription
RTU : La prescription de ce traitement dépend d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU) depuis novembre 2018. Sa prescription est réservée aux cardiologues exerçant dans des centres hospitaliers spécialisés dans l’amylose cardiaque. Elle se fait sur une ordonnance à part, pour une période de 6 mois. Sa délivrance est mensuelle et se fait dans les pharmacies hospitalières uniquement à ce jour. La RTU devrait s’arrêter au printemps 2021 et être relayé par l’AMM du Vyndaqel 61 (cf ci-dessous). Autrement dit le Vyndaqel 61 sera proposé à tous les patients avec ATTR cardiologique.
AMM DOSAGE : Le traitement par Tafamdis 61 mg (Vyndaqel) a obtenu l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) européenne en février 2020. Il s’agit du premier traitement autorisé en Europe qui a le potentiel de réduire la mortalité et la fréquence des hospitalisations d’origine cardiovasculaire chez les adultes atteints d’une amylose cardiaque à TTR. Ce dernier équivaut à 80 mg de Tafamidis méglumine (4 capsules de 20 mg). Vyndaqel® 61 mg et Vyndaqel® 20 mg ne sont donc pas interchangeables par milligramme.
Les traitements non spécifiques
– Traitement diurétique pour limiter la rétention hydrosodée : Furosémide, Aldactone, +/- Esidrex
– L’introduction d’un traitement anticoagulant doit être discutée en cas de profil mitral restrictif. Les troubles du rythme atriaux doivent être dépistés par des HolterECG réguliers
– Certains traitements sont contre-indiqués : digoxine (risque d’accumulation), béta-bloquants (risque d’aggravation des troubles conductifs).
– Les traitements hypotenseurs (IEC, inhibiteurs calciques) sont à manier avec prudence car ils peuvent majorer les symptômes de dysautonomie.
– L’implantation d’un PM ou d’un DAI sera à discuter (cf triptyques spécifiques)
Références
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2. Familial amyloid polyneuropathy A clinico-pathologic study. Said G, Planté-Bordeneuve V. Journal of the Neurological Sciences 284 (2009) 149–154.
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4. Relative apical sparing of longitudinal strain using two-dimensional speckle-tracking echocardiography is both sensitive and specific for the diagnosis of cardiac amyloidosis. Dermot Phelan, Collier P, Popović Z,Hanna M, Plana JC, Marwick TH, Thomas JD.  Heart 2012;98:1442-1448.
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7. Role of (99m)Tc-DPD scintigraphy in diagnosis and prognosis of hereditary transthyretin-related cardiac amyloidosis. Rapezzi C, Quarta CC, Guidalotti PL, Pettinato C, Fanti S, Leone O, Ferlini A, Longhi S, Lorenzini M, Reggiani LB, Gagliardi C, Gallo P, Villani C, Salvi F. JACC Cardiovasc Imaging. 2011 Jun;4(6):659-70.